le temps devant soi.
He Yifu - Le Voyage d'un peintre chinois en Bretagne |
Le vent tord les branches du camélia en tous sens, la pluie ruisselle sur les vitres, y dépose une constellation de gouttelettes. Un bol de thé fumant irradie sa douce chaleur dans mes deux mains qui l'enserrent.
Je lis des poèmes chinois anciens traduits par François Cheng. L'un d'eux me touche particulièrement, reflet délicat de l'émotion du petit matin dans ma retraite insulaire.
C'est une œuvre de Mèng Hào rán 孟浩然 (689-740),
poète de la Dynastie des Tang 唐 (618-907) :
春眠不觉晓
处处闻啼鸟
夜来风雨声
花落知多少
que François Cheng traduit ainsi :
"Le sommeil printanier ignore l'aube,
On se réveille aux appels des oiseaux.
Nuit passée, bruissement de vent, de pluie ;
Que de pétales, déjà, ont dû tomber..."
|
Je ne résiste pas au plaisir d'en proposer une traduction à mon tour :
"L'aube printanière ne dissout pas ma nuit
le chant des oiseaux m'envahit
vent et pluie, murmures de l'ombre
des fleurs évanouies, je ne sais le nombre"
|
Le vent d'Ouest a emporté les nuages de pluie, le soleil fait scintiller les plaques de mousse gorgées d'eau, agrippées ça et là aux murs de pierres grises. Une tige de chèvre-feuille d'un vert très tendre ondule derrière ma fenêtre avec la grâce d'une danseuse indienne, disparaissant par intermittence au gré du vent.
Le bonheur se tient là.
Je songe aux mots du Lao zi 老子 :
大小多少
que le grand sinologue Jean-François Billeter traduit par
"faire grand cas des choses infimes".
Références /
"faire grand cas des choses infimes".
Références /
Illustrations de He Yifu, extraite du "Voyage d'un peintre chinois en Bretagne",
aux éditions Ouest-France
Traduction du poème de Mèng Hào rán par François Cheng à retrouver dans
"Entre source et nuage" aux éditions Albin Michel, dans la collection Spiritualités vivantes.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire