27 juillet 2011
Île-aux-moines, Chapelle du Guerric, pleine mer à 17h20, marée de 44/49,
Exposition de Cécile Donato Soupama, 13e jour
Enfin l'été est là, dès l'aube, l'île était enveloppée d'une gaze bleue légère et lumineuse.
Je pressens une journée sous le signe de la séduction.
-"On peut visiter ?"
-"mais bien sûr !"
-"Bel endroit, beaux tableaux...", s'exclame le petit groupe en repartant.
-"Regarde, ils sont tous différents", dit une dame à sa petite fille
-"ah mais non, il y a toujours la même chose là", répond la fillette en désignant le pied droit de la toile,
-"pourquoi ?", poursuit-elle en se tournant vers moi.
-"quel beau voyage !" me dit un monsieur à la casquette vissée sur ses cheveux blancs.
Une femme entre, elle a les cheveux roux, les joues pleines et la peau très pâle.
Son visage me trouble, je ne sais pourquoi, une impression de déjà vu.
Un moment après son départ, je réalise la ressemblance frappante avec le visage de la Vierge Marie courbée aux côtés de Sainte Anne sur le retable de la chapelle !
Quel bonheur de porter une robe légère aujourd'hui...
Une famille de "jeans" et de boucles brunes, le père, la mère, le fils, la fille -j'imagine- liés par les sourires qu'ils échangent, feuillètent le beau catalogue de Cécile qui vient d'arriver après un long périple de Sicile jusqu'à l'île-aux-moines.
On peut y admirer les très belles photos des toiles qui seront présentées lors de l'exposition
qui aura lieu du 15 septembre au 6 octobre à la galerie Hayasaki.
"Nero" Diptyque © Cécile Donato Soupama
Une femme qui porte le symbole du Yin et du Yang en pendentif semble irrésistiblement attirée par Nero et Revendication. Elle part, puis revient un moment après, elle voudrait acheter la moitié de Nero -le seul diptyque lié par des charnières de l'exposition !-
La lumière de fin d'après-midi est très douce dans la sacristie, où je profite d'un petit moment calme pour méditer devant les deux toiles "Hommage à André Marfaing", qui me touchent particulièrement.
Hommage à André Marfaing. 80x60cm © Cécile Donato Soupama
Je relis les mots de son ami et éditeur Imre Pan : « C'est le combat éternel de la lumière et des ténèbres, représenté non plus par des figures symboliques, mais par ses éléments mêmes. La lumière de Marfaing remonte le temps et il va très loin jusqu'aux premières heures de la création, jusqu'au moment où les choses n'existaient qu'en tant que tensions. »
Hommage à André Marfaing. 80x60cm © Cécile Donato Soupama
la vigueur tonale des toiles de Cécile évoque à merveille la force impressionnante que dégage cet affrontement de l'ombre et de la lumière dans les toiles d'André Marfaing.
Je me souviens qu'en 2008, les Abattoirs de Toulouse rendaient hommage eux aussi à ce grand artiste, disparu en 1987 ; et encore d'avoir été frappée à la lecture de ces mots d'André Marfaing lui-même : « Être persuadé que mille traits peuvent dire mille choses et qu’un seul trait peut dire tout. »
01 septembre 2011
30 août 2011
Du sprituel dans l'art
26 juillet 2011
Île-aux-moines, Chapelle du Guerric, pleine mer à 16h20, marée de 36/39,
Exposition de Cécile Donato Soupama, 12e jour
Aujourd'hui, l'ombre portée que dessine la chapelle sur la route exprime soleil et douceur en contrepoint mais l'été prend en réalité tout son temps pour s'installer sur l'île.
Beaucoup de monde dehors mais ils n'entrent pas, ne descendent même pas de vélo !
Les eaux de la petite baie du Guerric ont des reflets vert émeraude, un cormoran plonge, je guette l'endroit où il ressortira.
La voile d'un dériveur léger glisse au loin.
Je suis émue par la beauté du regard vert et profond d'une femme entre deux âges, observant avec beaucoup d'attention chaque oeuvre. Elle ne dit mot et finit par s'en aller, comme à regret.
-"y a quoi à l'intérieur, c'est payant ?"
Quelques mauvaises pensées me traversent -dont je me repens aussitôt intérieurement- concernant notamment l'uniformité vestimentaire des promeneurs qui m'apparait aujourd'hui véritablement stupéfiante.
Toute une famille plonge tour à tour sa main dans le beau bénitier de pierre en entrant, une légère moue de déception faisant trembler leur menton invariablement, ils se signent et parlent tout bas.
Leur foi a toutes les apparences de la sincérité mais ils sont un peu offusqués de la présence des toiles sur les murs de la chapelle, se le disent à mi-voix en tournant la tête à droite et à gauche à l'appui de leur désapprobation.
Je fais semblant de ne pas remarquer leurs regards un peu hostiles, souris en pensée, les laisse faire le tour.
Nous parlons de Sainte Anne à qui est dédiée la chapelle et dont c'est la fête aujourd'hui, de sa représentation sur le retable du XIXe, de la merveilleuse Sainte Anne de Léonard de Vinci qu'ils ont pu admirer au Louvre, de peinture religieuse et finalement des oeuvres de Cécile.
Léonard de Vinci (Vinci, 1452 - Amboise, 1519)
La Vierge à l'Enfant avec sainte Anne © Musée du Louvre/A. Dequier - M. Bard
Nous débattons sur la spiritualité que peut receler l'acte de peindre même si la destination de l'oeuvre n'est pas spécifiquement religieuse. Les enfants tourniquent, s'ennuient.
Ils s'en vont tous après un au-revoir chaleureux.
-"ma femme a perdu son pull !, vous ne l'avez pas vu ?"
-"non, je suis désolée..."
Je vois au loin des grappes de nouveaux arrivants sur la route, me demande lesquels vont entrer et songe à nouveau qu'étrangement, aujourd'hui, nombreux sont ceux qui restent sur le seuil. Je ne sais pas expliquer cette forme particulière de mimétisme qui n'en est pas vraiment un en réalité puisque ce comportement se répète dans des intervalles de temps très distants.
Sicile. 100x80cm, détail
Je note encore un énigmatique mimétisme chez les visiteurs : ils regardent les toiles de si près cet après-midi, que le bout de leur nez effleure presque les concrétions de pigments.
Souvent les îliens qui passent me demandent si je ne m'ennuie pas trop ? Je n'ose leur dire que je ne m'ennuie pas un seul instant,
me croiraient-ils ?
Un très jeune couple d'amoureux, elle en robe à pois courte et légère, les pieds chaussés de ballerines vernies, lui en jean et chemise violette, main dans la main, regardent les toiles une à une. Il caresse son épaule et joue avec la bretelle de sa robe. Ils se sourient, le monde autour d'eux ne semble pas avoir de réalité. Ils sont là avec les oeuvres et plus rien d'autre n'existe, je patiente. Remarquant finalement ma présence, ils me disent trouver cela très beau, aiment qu'il y ait des mots dans les toiles. Moi j'aime qu'ils ne demandent pas comment s'est fait, ni ce que cela représente.
Je remarque que, la plupart du temps, les vacanciers vont par deux : un homme et une femme, deux femmes, presque jamais deux hommes, des enfants dont l'air un peu blasé augmente avec l'âge, jusqu'à la souveraine indifférence de l'adolescence.
Un couple âgé entre très lentement, lui s'appuyant sur une canne métallique qui cliquette sur les carreaux de ciment de la chapelle :
Elle :
-"ça représente quelque chose ?"
Lui :
-"c'est spécial !"
Elle :
-"c'est un genre..."
Lui :
-"le château à côté, c'est une famille très connue, non ?"
Le vent s'est levé tout à coup, dehors les herbes frissonnent, les feuilles du grand chêne frémissent et s'agitent, Hadès et Ulysse se balancent doucement sur leur fil.
Île-aux-moines, Chapelle du Guerric, pleine mer à 16h20, marée de 36/39,
Exposition de Cécile Donato Soupama, 12e jour
Aujourd'hui, l'ombre portée que dessine la chapelle sur la route exprime soleil et douceur en contrepoint mais l'été prend en réalité tout son temps pour s'installer sur l'île.
Beaucoup de monde dehors mais ils n'entrent pas, ne descendent même pas de vélo !
Les eaux de la petite baie du Guerric ont des reflets vert émeraude, un cormoran plonge, je guette l'endroit où il ressortira.
La voile d'un dériveur léger glisse au loin.
Je suis émue par la beauté du regard vert et profond d'une femme entre deux âges, observant avec beaucoup d'attention chaque oeuvre. Elle ne dit mot et finit par s'en aller, comme à regret.
-"y a quoi à l'intérieur, c'est payant ?"
Quelques mauvaises pensées me traversent -dont je me repens aussitôt intérieurement- concernant notamment l'uniformité vestimentaire des promeneurs qui m'apparait aujourd'hui véritablement stupéfiante.
Toute une famille plonge tour à tour sa main dans le beau bénitier de pierre en entrant, une légère moue de déception faisant trembler leur menton invariablement, ils se signent et parlent tout bas.
Leur foi a toutes les apparences de la sincérité mais ils sont un peu offusqués de la présence des toiles sur les murs de la chapelle, se le disent à mi-voix en tournant la tête à droite et à gauche à l'appui de leur désapprobation.
Je fais semblant de ne pas remarquer leurs regards un peu hostiles, souris en pensée, les laisse faire le tour.
Nous parlons de Sainte Anne à qui est dédiée la chapelle et dont c'est la fête aujourd'hui, de sa représentation sur le retable du XIXe, de la merveilleuse Sainte Anne de Léonard de Vinci qu'ils ont pu admirer au Louvre, de peinture religieuse et finalement des oeuvres de Cécile.
Léonard de Vinci (Vinci, 1452 - Amboise, 1519)
La Vierge à l'Enfant avec sainte Anne © Musée du Louvre/A. Dequier - M. Bard
Nous débattons sur la spiritualité que peut receler l'acte de peindre même si la destination de l'oeuvre n'est pas spécifiquement religieuse. Les enfants tourniquent, s'ennuient.
Ils s'en vont tous après un au-revoir chaleureux.
-"ma femme a perdu son pull !, vous ne l'avez pas vu ?"
-"non, je suis désolée..."
Je vois au loin des grappes de nouveaux arrivants sur la route, me demande lesquels vont entrer et songe à nouveau qu'étrangement, aujourd'hui, nombreux sont ceux qui restent sur le seuil. Je ne sais pas expliquer cette forme particulière de mimétisme qui n'en est pas vraiment un en réalité puisque ce comportement se répète dans des intervalles de temps très distants.
Sicile. 100x80cm, détail
Je note encore un énigmatique mimétisme chez les visiteurs : ils regardent les toiles de si près cet après-midi, que le bout de leur nez effleure presque les concrétions de pigments.
Souvent les îliens qui passent me demandent si je ne m'ennuie pas trop ? Je n'ose leur dire que je ne m'ennuie pas un seul instant,
me croiraient-ils ?
Un très jeune couple d'amoureux, elle en robe à pois courte et légère, les pieds chaussés de ballerines vernies, lui en jean et chemise violette, main dans la main, regardent les toiles une à une. Il caresse son épaule et joue avec la bretelle de sa robe. Ils se sourient, le monde autour d'eux ne semble pas avoir de réalité. Ils sont là avec les oeuvres et plus rien d'autre n'existe, je patiente. Remarquant finalement ma présence, ils me disent trouver cela très beau, aiment qu'il y ait des mots dans les toiles. Moi j'aime qu'ils ne demandent pas comment s'est fait, ni ce que cela représente.
Je remarque que, la plupart du temps, les vacanciers vont par deux : un homme et une femme, deux femmes, presque jamais deux hommes, des enfants dont l'air un peu blasé augmente avec l'âge, jusqu'à la souveraine indifférence de l'adolescence.
Un couple âgé entre très lentement, lui s'appuyant sur une canne métallique qui cliquette sur les carreaux de ciment de la chapelle :
Elle :
-"ça représente quelque chose ?"
Lui :
-"c'est spécial !"
Elle :
-"c'est un genre..."
Lui :
-"le château à côté, c'est une famille très connue, non ?"
Le vent s'est levé tout à coup, dehors les herbes frissonnent, les feuilles du grand chêne frémissent et s'agitent, Hadès et Ulysse se balancent doucement sur leur fil.
29 août 2011
Spleen et idéal
25 juillet 2011
Île-aux-moines, Chapelle du Guerric, pleine mer à 14h52, marée de 35/34,
Exposition de Cécile Donato Soupama, 11e jour
Un peu plus de douceur encore aujourd'hui malgré un ciel encombré.
Le crescendo des températures est agréable et prend aussi pour moi un sens symbolique, comme si ce voyage immobile dans la chapelle générait de plus en plus de chaleur dans les échanges, les rencontres, dans mon rapport au lieu qui me devient très cher.
Une grande famille, bon chic, bon genre me demande de les prendre en photo sur le muret qui borde la route devant la chapelle...
C'est étrange, j'éprouve avec bonheur la chaleur de l'été et voilà que les premiers visiteurs sont très froids ou très négatifs !
-"C'est très noir", dit une dame
-"ma femme n'aime pas le noir !", précise le monsieur. Je l'avais deviné à son air renfrogné, me dis-je ...
-"Bon alors, ça veut dire quoi tout ça ?"
-"c'est dommage de mettre des trucs comme ça dans une chapelle tout de même !"
Je suis étonnée par tous ces gens qui savent ce qui est bien et ce qui ne l'est pas, ce qui est beau et ce qui ne l'est pas, en outre leurs certitudes m'effraient !
© photographie de Jaïr Sfez
Souvent, des questions sur la technique : une dame aux cheveux blond vénitien tenus en chignon haut m'interroge, j'explique le mélange de pigments, huile, liant.
Elle rétorque :
-"Ah oui, alors c'est "fait maison", comme on dit et puisque c'est une femme ce n'est pas étonnant !".
Certains clichés ont décidément la vie dure.
Un couple sans âge, elle assez corpulente avec un visage très doux encadré de boucles blondes, lui en vareuse bleu marine, l'appareil photo en bandoulière : ils restent très longtemps devant chaque toile comme dans un geste suspendu, ils ne se regardent pas, ne se parlent pas mais sont très près l'un de l'autre et se déplacent d'un même mouvement. Une chorégraphie secrète parfaitement rodée semble guider leurs pas. Ils sont concentrés, toujours silencieux, nos regards ne se croisent pas, je n'ose interrompre le charme qui les enveloppe. ils ressortent en joignant leurs mains tels deux adolescents amoureux.
Deux femmes très soignées, féminines -je note que cela devient rare- sont toutes heureuses de cette visite "inattendue" me disent-elles.
Goûtant les rayons du soleil de la fin d'après midi et le contact de la pierre du seuil de la chapelle délicieusement tiédie, je contemple ce paysage, toujours le même et pourtant chaque jour, à chaque heure si différent.
"Il est des paysages peints qu'on traverse ou qu'on contemple ; d'autres dans lesquels on peut se promener ; d'autres encore où l'on voudrait demeurer ou vivre. Tous ces paysages atteignent le degré d'excellence. Toutefois, ceux où l'on voudrait vivre sont supérieurs aux autres"
Ces mots de Guo Xi 郭熙 le grand peintre de la dynastie chinoise des Song du Nord 北 (960-1127), exprime admirablement mon état d'esprit en cette fin de journée et me consolent un peu de la mélancolie de ce jour.
Île-aux-moines, Chapelle du Guerric, pleine mer à 14h52, marée de 35/34,
Exposition de Cécile Donato Soupama, 11e jour
Un peu plus de douceur encore aujourd'hui malgré un ciel encombré.
Le crescendo des températures est agréable et prend aussi pour moi un sens symbolique, comme si ce voyage immobile dans la chapelle générait de plus en plus de chaleur dans les échanges, les rencontres, dans mon rapport au lieu qui me devient très cher.
Une grande famille, bon chic, bon genre me demande de les prendre en photo sur le muret qui borde la route devant la chapelle...
C'est étrange, j'éprouve avec bonheur la chaleur de l'été et voilà que les premiers visiteurs sont très froids ou très négatifs !
-"C'est très noir", dit une dame
-"ma femme n'aime pas le noir !", précise le monsieur. Je l'avais deviné à son air renfrogné, me dis-je ...
-"Bon alors, ça veut dire quoi tout ça ?"
-"c'est dommage de mettre des trucs comme ça dans une chapelle tout de même !"
Je suis étonnée par tous ces gens qui savent ce qui est bien et ce qui ne l'est pas, ce qui est beau et ce qui ne l'est pas, en outre leurs certitudes m'effraient !
© photographie de Jaïr Sfez
Souvent, des questions sur la technique : une dame aux cheveux blond vénitien tenus en chignon haut m'interroge, j'explique le mélange de pigments, huile, liant.
Elle rétorque :
-"Ah oui, alors c'est "fait maison", comme on dit et puisque c'est une femme ce n'est pas étonnant !".
Certains clichés ont décidément la vie dure.
Un couple sans âge, elle assez corpulente avec un visage très doux encadré de boucles blondes, lui en vareuse bleu marine, l'appareil photo en bandoulière : ils restent très longtemps devant chaque toile comme dans un geste suspendu, ils ne se regardent pas, ne se parlent pas mais sont très près l'un de l'autre et se déplacent d'un même mouvement. Une chorégraphie secrète parfaitement rodée semble guider leurs pas. Ils sont concentrés, toujours silencieux, nos regards ne se croisent pas, je n'ose interrompre le charme qui les enveloppe. ils ressortent en joignant leurs mains tels deux adolescents amoureux.
Deux femmes très soignées, féminines -je note que cela devient rare- sont toutes heureuses de cette visite "inattendue" me disent-elles.
Goûtant les rayons du soleil de la fin d'après midi et le contact de la pierre du seuil de la chapelle délicieusement tiédie, je contemple ce paysage, toujours le même et pourtant chaque jour, à chaque heure si différent.
"Il est des paysages peints qu'on traverse ou qu'on contemple ; d'autres dans lesquels on peut se promener ; d'autres encore où l'on voudrait demeurer ou vivre. Tous ces paysages atteignent le degré d'excellence. Toutefois, ceux où l'on voudrait vivre sont supérieurs aux autres"
Ces mots de Guo Xi 郭熙 le grand peintre de la dynastie chinoise des Song du Nord 北 (960-1127), exprime admirablement mon état d'esprit en cette fin de journée et me consolent un peu de la mélancolie de ce jour.
28 août 2011
Nero
24 juillet 2011
Île-aux-moines, Chapelle du Guerric, pleine mer à 13h36, marée de 40/37,
Exposition de Cécile Donato Soupama, 10e jour
Un ciel de lait aujourd'hui, lait mélangé, fondu de gris bleuté du plus dense au plus pâle, l'air est tiède, un peu ouaté.
Une jeune-femme rousse aux cheveux relevés entre, un peu essoufflée, balaie l'espace du regard, sourie. Elle s'accroupie devant Nero, je lui parle de Cécile. Elle aime l'énergie du geste et l'explosion des éclats de noir.
Un jeune-homme, futur commissaire priseur voit les toiles bouger...
Étrangement, beaucoup d'oiseaux aujourd'hui, leurs chants en surimpression sur l'image des lieux. J'éprouve la solitude, me dis que ce n'est pas seulement être seule, mais aussi être avec des gens que je ne connais pas, que c'est une forme d'isolement singulière.
Cependant, je la ressens comme une grande liberté, plus que comme quelque chose de difficile. Paradoxalement, les maux enfouis ressurgissent avec beaucoup plus d'acuité au contact des êtres que je connais et plus encore auprès de ceux que j'aime.
"Nero" Diptyque 100x160cm © Cécile Donato Soupama
Un couple de marcheurs, elle, sac à dos de randonnée sur les épaules et un "bâton de marche" dans chaque main - je ne peux réprimer un sourire intérieur-.
Elle observe longuement les toiles, lui préfère l'attendre dehors. S'attardant particulièrement devant Nero, elle me dit :
-"habituellement on voit beaucoup d'horreurs dans les expos d'été, mais là, vraiment, c'est magnifique ! Je vois une influence asiatique, non ?"
Nous parlons de l'expérience de Cécile en Chine, puis des paysages des îles éoliennes.
Lui s'impatiente un peu au dehors, ils poursuivent leur marche. je me dis que toutes deux sommes enrichies, elle par cette escale dans la chapelle, moi par cette rencontre.
"Nero" Diptyque © Cécile Donato Soupama
détail.80x100cm
Je reprend ma lecture :
"La peinture ne vise pas à être un simple objet esthétique, elle tend à devenir un microcosme recréant, à la manière du macrocosme, un espace ouvert où la vraie vie est possible"
François Cheng Vide et plein, le langage pictural chinois, p. 72
Deux gamins de neuf ou dix ans, les mains pleines de cambouis sagement tenues dans le dos, observent les toiles avec attention en se chuchotant à l'oreille. L'un d'eux montre Liu xiaobo de son doigt tout noir :
-"j'aime bien celui-là !"
-"pourquoi celui-ci justement ?", lui dis-je
-"Ben, je ne sais pas... les couleurs prennent presque toute la place, enfin si on faisait comme si le noir était une couleur, hein ?!" Ils se regardent et gloussent, descendant d'un seul bond les deux marches de l'autel.
-"merci madame", dit l'autre, "c'est une très jolie exposition !"
Je pense au petit garçon de L'argent de poche -le film de François Truffaut- remerciant "pour ce frugal repas"...
Ils enfourchent leurs vélos et repartent à toute allure, j'envie leur liberté.
Kaos. Pigment/huile/liant sur toile. Série de 4 châssis, 140x90cm © Cécile Donato Soupama
Une agréable visite des nouveaux propriétaires du polyptique Piccolo kaos. J'apprend qu'il est destiné au beau mur blanc d'une maison au Sénégal, face à une fenêtre orientée plein Ouest, d'où l'on peut contempler les coucher de soleil africains, "allucinant de beauté", me disent-ils : j'essaie de me représenter les toiles dans leur futur écrin.
La fin d'après-midi est plutôt calme. Assise sur le seuil de la chapelle, la marée sera pleine basse dans deux heures environ, je suis fascinée par l'immensité du ciel. Comme une pièce meublée semble beaucoup plus vaste qu'une pièce vide, le ciel m'apparait infiniment plus ample, plein de tous ses cumulus ! je contemple au loin un petit groupe de pêcheurs à pieds dont la silhouette se courbe vers les amas de goémons, derrière eux des eaux miroitantes précédant des eaux mats qui portent les voiliers liés à leur bouée blanche.
J'entends les échos lointains de chants bretons parce qu'aujourd'hui, sur une autre pointe de l'île, la fête de la mer bat son plein, qui a commencé ce matin par une procession suivant les ex-votos de l'église Saint Michel, suivie d'une messe en plein air et finira ce soir tard par un feu d'artifice sur les eaux du golfe.
De retour à l'intérieur de la chapelle, je retrouve cet univers en soi et réalise à quel point c'est un lieu à part avec les oeuvres de Cécile qui génèrent une vibration particulière.
Île-aux-moines, Chapelle du Guerric, pleine mer à 13h36, marée de 40/37,
Exposition de Cécile Donato Soupama, 10e jour
Un ciel de lait aujourd'hui, lait mélangé, fondu de gris bleuté du plus dense au plus pâle, l'air est tiède, un peu ouaté.
Une jeune-femme rousse aux cheveux relevés entre, un peu essoufflée, balaie l'espace du regard, sourie. Elle s'accroupie devant Nero, je lui parle de Cécile. Elle aime l'énergie du geste et l'explosion des éclats de noir.
Un jeune-homme, futur commissaire priseur voit les toiles bouger...
Étrangement, beaucoup d'oiseaux aujourd'hui, leurs chants en surimpression sur l'image des lieux. J'éprouve la solitude, me dis que ce n'est pas seulement être seule, mais aussi être avec des gens que je ne connais pas, que c'est une forme d'isolement singulière.
Cependant, je la ressens comme une grande liberté, plus que comme quelque chose de difficile. Paradoxalement, les maux enfouis ressurgissent avec beaucoup plus d'acuité au contact des êtres que je connais et plus encore auprès de ceux que j'aime.
"Nero" Diptyque 100x160cm © Cécile Donato Soupama
Un couple de marcheurs, elle, sac à dos de randonnée sur les épaules et un "bâton de marche" dans chaque main - je ne peux réprimer un sourire intérieur-.
Elle observe longuement les toiles, lui préfère l'attendre dehors. S'attardant particulièrement devant Nero, elle me dit :
-"habituellement on voit beaucoup d'horreurs dans les expos d'été, mais là, vraiment, c'est magnifique ! Je vois une influence asiatique, non ?"
Nous parlons de l'expérience de Cécile en Chine, puis des paysages des îles éoliennes.
Lui s'impatiente un peu au dehors, ils poursuivent leur marche. je me dis que toutes deux sommes enrichies, elle par cette escale dans la chapelle, moi par cette rencontre.
"Nero" Diptyque © Cécile Donato Soupama
détail.80x100cm
Je reprend ma lecture :
"La peinture ne vise pas à être un simple objet esthétique, elle tend à devenir un microcosme recréant, à la manière du macrocosme, un espace ouvert où la vraie vie est possible"
François Cheng Vide et plein, le langage pictural chinois, p. 72
Deux gamins de neuf ou dix ans, les mains pleines de cambouis sagement tenues dans le dos, observent les toiles avec attention en se chuchotant à l'oreille. L'un d'eux montre Liu xiaobo de son doigt tout noir :
-"j'aime bien celui-là !"
-"pourquoi celui-ci justement ?", lui dis-je
-"Ben, je ne sais pas... les couleurs prennent presque toute la place, enfin si on faisait comme si le noir était une couleur, hein ?!" Ils se regardent et gloussent, descendant d'un seul bond les deux marches de l'autel.
-"merci madame", dit l'autre, "c'est une très jolie exposition !"
Je pense au petit garçon de L'argent de poche -le film de François Truffaut- remerciant "pour ce frugal repas"...
Ils enfourchent leurs vélos et repartent à toute allure, j'envie leur liberté.
Kaos. Pigment/huile/liant sur toile. Série de 4 châssis, 140x90cm © Cécile Donato Soupama
Une agréable visite des nouveaux propriétaires du polyptique Piccolo kaos. J'apprend qu'il est destiné au beau mur blanc d'une maison au Sénégal, face à une fenêtre orientée plein Ouest, d'où l'on peut contempler les coucher de soleil africains, "allucinant de beauté", me disent-ils : j'essaie de me représenter les toiles dans leur futur écrin.
La fin d'après-midi est plutôt calme. Assise sur le seuil de la chapelle, la marée sera pleine basse dans deux heures environ, je suis fascinée par l'immensité du ciel. Comme une pièce meublée semble beaucoup plus vaste qu'une pièce vide, le ciel m'apparait infiniment plus ample, plein de tous ses cumulus ! je contemple au loin un petit groupe de pêcheurs à pieds dont la silhouette se courbe vers les amas de goémons, derrière eux des eaux miroitantes précédant des eaux mats qui portent les voiliers liés à leur bouée blanche.
J'entends les échos lointains de chants bretons parce qu'aujourd'hui, sur une autre pointe de l'île, la fête de la mer bat son plein, qui a commencé ce matin par une procession suivant les ex-votos de l'église Saint Michel, suivie d'une messe en plein air et finira ce soir tard par un feu d'artifice sur les eaux du golfe.
De retour à l'intérieur de la chapelle, je retrouve cet univers en soi et réalise à quel point c'est un lieu à part avec les oeuvres de Cécile qui génèrent une vibration particulière.
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