Nature morte du dimanche
En 1667, pour définir le moins noble des sujets selon la hiérarchie académique des genres, le critique français André Félibien parle de
« choses mortes et sans mouvement », désignant ainsi tant l'aspect des objets que leur état physique.
Cette notion d'absence de mouvement qui ne sous-entend pas nécessairement l'idée de mort, est essentielle : on la retrouve sous une forme un peu ambiguë chez Diderot (« nature inanimée »), mais il semble que ce soit aux Pays-Bas aux alentours de 1650 qu'elle ait vu le jour, avec une acception technique : les peintres hollandais, dans leur langage d'atelier, parlent alors de still-leven, ce qui, littéralement, signifie « nature immobile » ou encore « nature posant comme un modèle » (et non explicitement « nature morte »).
Jan Davidszoon de Heem, (1606-1684)
De là sont issus l'allemand Stilleben et l'anglais still-life, qui ajoutent à l'idée de pose celle de silence, comme sur les fantastiques photographies de la série Still life de Guido Mocafico
Pourquoi pareille dichotomie entre les pays nordiques et anglo-saxons, qui ont su conserver une terminologie quasi professionnelle, et le monde latin où s'est imposé peu à peu l'usage français, plus dramatique, et moins juste ?
Il y a à cela au moins deux raisons possibles : le rang subalterne imposé en France au milieu du XVIIe siècle à la peinture d'objets par la doctrine académique – qui n'a pas vraiment d'équivalent dans les pays nordiques– explique que se soit imposée aux hommes des Lumières, encore très familiers de ces conceptions, l'expression un peu péjorative de « nature morte », de préférence à une traduction de l'allemand comme « vie silencieuse ».
Mais ne peut-on alléguer aussi, pour transcender ce déterminisme un peu facile, une sorte de « contamination sémantique » inconsciente de tout le genre par un thème connu depuis l'Antiquité, celui de la Vanité, où domine précisément l'idée de la mort ?
Guido Mocafico, Nature morte à la vanité