Dans les couloirs, lumière crue, bruit des pas qui résonnent. Claquent les talons hauts, chuintent les semelles, froufroutent les jambes de pantalons, vrombissent les valises à roulettes, tintent les bracelets amoncelés, grésillent les écouteurs. Prise dans le flot, un pas après l'autre, parfois à contre courant, avancer coûte que coûte. Regard perdu dans le lointain glisse sur les visages fermés. Plisser le nez de temps à autre, esquiver les odeurs, les courants d'air inopinés.
Métro Paris Argentique Nikon F3 Tri x 400 /© Philsnoopy |
Et cependant la beauté est là aussi. L'art qui s'affiche sur les parois concaves le long des quais, offre de menus instants de bien-être. J'ai pour habitude d'en capturer quelques images.
Et cependant, si l'on savait les pensées qui nous traversent, un regard échangé, une épaule frôlée, un sourire ébauché !
Tristan Daeschner, « designer et architecte de l'information un peu entrepreneur » et Timothée Peignier « ingénieur un peu fou et aussi un peu entrepreneur » ont créé "Croisé dans le métro", un site sur lequel tous et chacun peuvent écrire ce qu'ils n'ont pas osé dire, comme une bouteille à la mer : messages bigarrés, poésie des mots jetés là. Comme chantait Michel Berger :
« Y'a vraiment qu'l'amour qui vaille la peine
Y'a vraiment qu'aimer d'amour qui tienne
Pas celui qu'on lit dans les mauvais poèmes,
mais le vrai, celui qui vous dévore le coeur, qui vous fait peur »
Y'a vraiment qu'aimer d'amour qui tienne
Pas celui qu'on lit dans les mauvais poèmes,
mais le vrai, celui qui vous dévore le coeur, qui vous fait peur »
Kees Van Dongen, la Parisienne de Montmartre (détail) vers 1907-1908 © MuMa, Le Havre – Florian Kleinefenn – © Adagp Paris 2012 © Photographie Barbara Sabaté Montoriol |
« À la jeune femme renversante au foulard “léopard mauve”
Assise en face de moi et descendu à St Lazare, vous étiez d’une rare élégance et d’une grande beauté dans votre pantalon framboise un livre sur Rio de Janeiro à la main… Malheureusement, impossible de vous dire un mot, sous le charme de votre regard d’azur. Je corrige maintenant cette erreur. Trop tard? »
in "Croisé dans le métro"
Affiche Exposition Étrange visage (détail) © Photographie Barbara Sabaté Montoriol |
«Votre regard
Je vous ai revu mardi, je vous ai évité car je ne me voyais pas faire autrement. Depuis, vous n’êtes plus dans le wagon à cette même heure. J’aimerais tant croiser de nouveau votre sourire, nous ferions comme avant, vous vous retourneriez quand vous descendriez à votre station.
Je sais ce que vous pensez, restons gentiment les passagers d’un train de banlieue. » in "Croisé dans le métro"
Freundlich, Composition, 1930 (détail), Donation Freundlich – Musée de Pontoise © mages musée de Pontoise – JM Rousvoal © Photographie Barbara Sabaté Montoriol |
«À la belle jeune femme qui lisait Balzac…
Monté en bout de rame à Madeleine, mon regard a croisé à plusieurs reprises celui d’une très belle jeune femme brune, pullover marron, qui lisait Balzac et est descendue à Assemblée-Nationale…
J’en suis encore chamboulé. Votre beauté restera gravée dans ma mémoire.
Trentenaire, brun, portant alors pantalon blanc, tee-shirt noir et veste verte, je rêve que vous répondiez à cette annonce…» in "Croisé dans le métro"
Affiche Britannicus - (détail) - Design Pascal Béjean - Olivier körner - Nicolas Ledoux © Photographie Barbara Sabaté Montoriol |
«Ton pull clair, ma veste bleue à la République
En fait c’est la première fois que je fais ça.
En fait je fais ça parce que j’ai beaucoup aimé ton sourire.
On s’est retrouvé, tous les deux à attendre notre métro sur le quai à la République.
Tu avais un pull écru, j’avais une veste bleu. Et tu avais une jolie coupe de cheveux, et tu avais de jolis yeux, et tu avais un très beau sourire.
Je t’ai regardée, beaucoup regardée. Et puis tu es sortie (à la station Voltaire je crois). Et puis moi j’avais un dîner important, je ne pouvais pas trop tarder, mais je pense que je ne t’aurais pas abordé comme ça, parce que je ne l’ai jamais fait, et puis parce que je ne sais pas comment on fait.
Mais j’aurais aimé, ou en tous cas j’aimerais bien.
J’aimerais bien te revoir, et ton sourire.
Peut-être que tu liras ces lignes, qui sait. Mais j’aimerais. » in "Croisé dans le métro"
En fait c’est la première fois que je fais ça.
En fait je fais ça parce que j’ai beaucoup aimé ton sourire.
On s’est retrouvé, tous les deux à attendre notre métro sur le quai à la République.
Tu avais un pull écru, j’avais une veste bleu. Et tu avais une jolie coupe de cheveux, et tu avais de jolis yeux, et tu avais un très beau sourire.
Je t’ai regardée, beaucoup regardée. Et puis tu es sortie (à la station Voltaire je crois). Et puis moi j’avais un dîner important, je ne pouvais pas trop tarder, mais je pense que je ne t’aurais pas abordé comme ça, parce que je ne l’ai jamais fait, et puis parce que je ne sais pas comment on fait.
Mais j’aurais aimé, ou en tous cas j’aimerais bien.
J’aimerais bien te revoir, et ton sourire.
Peut-être que tu liras ces lignes, qui sait. Mais j’aimerais. » in "Croisé dans le métro"
Charles Amable Lenoir, Rêverie, collection particulière © Mille / Realis (détail) © Photographie Barbara Sabaté Montoriol |
«En bleu et blanc
Capucine Merkenbrack & Chloé Tercé - ATELIER 25 /
Artwork pour Emily Loizeau, Mothers & Tigers Polydor, 2012 (détail)
© Photographie Barbara Sabaté Montoriol |
«Une petite robe bleue et deux étoiles sur le bras…
Tu portais une robe bleue, avec de fines rayures rouges. Tu avais sur ton bras, deux étoiles d’enchantement. Nous avons échangé, ne serait-ce qu’un peu, quelques regards parmi la foule qui bouge. J’ai failli tomber sur l’accordéon du métro, tu as poussé ta main pour que, ridicule, je ne sois pas trop. Je n’ai osé le faire, je n’ai osé le dire, je n’ai osé parlé, je préfère l’écrire.
Tu m’as suivi sans le vouloir, dans les allées à Gare du Nord. Nous allions prendre le même train, rer B pour même chemin.
Mais tu es descendu déjà, c’est à Châtelet que toi et moi, nous allions prendre d’autres chemins, la ligne b pour mon Destin.» in "Croisé dans le métro"
Édouard Manet - Jeune dame en 1866 (détail) © The Metropolitan Museum of Art, Dist. RMN / image of the MMA © Photographie Barbara Sabaté Montoriol |
« Vous faites battre mon coeur aussi
Je me suis assise en face de toi puis à côté de toi. Tu t’es penché vers moi et a chuchoté à mon oreille “vous faites battre mon cœur très fort. Mais je dois descendre là, vous descendez ?”. Surprise et troublée, le temps de reprendre mes esprits j’ai bafouillé un “non” que j’ai immédiatement regretté. Tu es descendu et la porte s’est refermée. Depuis, c’est mon cœur à moi qui bat la chamade, comme pour me punir de ne pas être descendue. » in "Croisé dans le métro"
Canaletto (Antonio Canal, dit) (1697-1768) - (détail) © Photographie Barbara Sabaté Montoriol |
«Parce que je vous ai tendu la main…
parce que je vous ai tendu la main pour vous aider à vous assoir et que vous m’avez remercié par un “gentleman” des plus gracieux, je souhaite pouvoir parler de nos enfants et autres sujets d’importance. » in "Croisé dans le métro"
The XX - Coexist © Photographie Barbara Sabaté Montoriol |
À défaut de retrouver l'être aimé, on trouvera un grand réconfort en allant admirer les peintres des collectionneurs d'avant-garde du Havre au début du XXe siècle, au Musée du Luxembourg ; contempler d'étranges visages à Dijon ; ou vivre l'expérience de l'exil à Nice.
Tromper l'ennui et la nostalgie du rendez-vous manqué en se laissant emporter par le tragique destin de Britannicus au Théâtre Nanterre-Amandiers ; ou par l'insouciance de la Bohème au Grand Palais ; en goûtant aux dessins légers de Capucine Merkenbrack et Cholé Tercé qui habillent le dernier album d'Émily Loizeau ou en s'enthousiasmant pour les subtilités de la mode au temps des impressionistes au Musée d'Orsay ; sans oublier un lumineux détour par le grand canal au Musée Jacquemart-André en écoutant "Angels"sur le dernier album de The xx !
LIENS
Croisé dans le métro
Exposition au Luxembourg
Exposition Étrange visage
Britannicus
Artwork pour Émily Loizeau
Canaletto au Musée Jacquemart André
The xx, dernier album