Hadès

16 juillet 2011
Île-aux-moines, Chapelle du Guerric, basse mer à 14h23, marée de 88,
Exposition de Cécile Donato Soupama, 2e jour



Un jour de fraîcheur, de pluie sous un ciel gris.
Dès mon arrivée affluent des visiteurs tous mouillés, les premiers n'osent pas entrer avec leurs bottes toutes boueuses et trempées, les suivants ne se posent pas de question et déambulent le parapluie dégoulinant au bout du bras.
J'allume les lumières, le contraste ombre et soleil s'est inversé : clarté chaude à l'intérieur, brume grise et froide au dehors.


- "regarde Félix, c'est la maison de Jésus ça", crie une femme à son enfant qui la suit à vélo...
-" ah ?!" répond-il, un moue dubitative tordant sa petite bouche.


Hadès. 100x100 cm © Cécile Donato Soupama

Je regarde les toiles et vois des paysages d'avant le monde des hommes, des mouvements de planète en formation. Magma, forces telluriques, les couleurs sont celles de la terre, terre rouge, ocre jaune, terre de sienne, terre noire et le si beau vert olive qui affleure dans Hadès.




Une petite fille tire sur la main de sa grand-mère pour entrer dans la chapelle. Elle y pénètre seule et sans bruit, se place au centre de la nef et tourne sur elle-même tout doucement.
Après quelques instants de réflexion, elle se rapproche d'Hadès qu'elle regarde avec intensité, réfléchissant à haute voix :
- "je me demande bien pourquoi il y a, là, un loup qui parle avec une pierre ?"

Je me dis que la vie a souvent plus d'imagination que nous...

Erôs

15 juillet 2011
Île-aux-moines, Chapelle du Guerric, basse mer à 13h41, marée de 84/86,
Exposition de Cécile Donato Soupama, 1er jour



Mes deux premiers visiteurs, un couple en short, ils entrent sans bruit, regardent autour d'eux, me sourient timidement, ne parlent pas.
Je m'approche, leurs yeux interrogent, je parle du travail de Cécile, de son parcours, ils hochent la tête, la bascule en arrière longuement pour regarder "Erôs" au-dessus de la porte, s'attardent dans l'abside, disent seulement un tout petit "au-revoir" gentil, le seuil déjà franchit.
Les suivants entrent à peine, puis soudain il y a plein de monde.


Erôs. 100x100 cm © Cécile Donato Soupama

Certains ne disent rien mais leur corps parlent : une lueur joyeuse dans les yeux, une tension dans les épaules, des mains qui se tiennent l'une l'autre.



Sur le retable XIXe qui surmonte l'autel le rouge profond d'un drapé au-dessus du couple formé par Sainte Anne et Marie, répond à celui d'"Érôs" qui lui fait face.


Freud. 100x80 cm © Cécile Donato Soupama


Un homme en marinière d'un beau rouge brique délavé regarde longuement "Freud" et soudain penche la tête de côté, comme un oiseau.




- "c'est vous l'artiste ?" me demande-t-on maintes fois
- "oh non !, mais je l'aimerais tant", dis-je avant de la raconter, son parcours, les titres des toiles, l'alchimie du mélange pigments, huile et liant, l'insularité estivale du peintre, lointaine mais en communion avec la nôtre...



Des visiteurs entrent et ressortent comme le ressac, je me sens minérale.
Suit un moment solitaire et paisible, je réfléchis aux mots qui peindront le mieux ces instants, me demande s'il y a des similitudes avec la solitude du peintre devant sa toile ?