"Le seigneur ordonne à un énorme poisson d'avaler Jonas et Jonas demeure dans le ventre du poisson trois jours et trois nuits"
Livre de Jonas, "Livres prophétiques", Bible
La préfiguration de la résurrection du christ, qui apparaît dans cette histoire du prophète Jonas, ressurgit bien des siècles plus tard dans celle de Pinocchio -qui deviendra un vrai petit garçon après avoir rejoint Gepetto dans le ventre de la baleine-, et envahit ma pensée lorsque je pénètre dans cette oeuvre insensée.
Le bruit de la porte à tambour par laquelle on est introduit dans le ventre du monstre est comme celui des pulsations d'un coeur très lent.
Immensité, espace clos où règne une chaleur étouffante.
À droite et à gauche partent deux artères géantes d'où l'on s'attend à voir surgir un flot de sang à tout instant.
Le soleil qui pénètre à travers cette matière opaque répand une lumière rouge, intense et veloutée.
Cette oeuvre d’Anish Kapoor -considéré comme l’un des plus
importants sculpteurs d’aujourd’hui- envahit l'espace sous la verrière du Grand Palais pour l'édition 2011 de Monumenta et stupéfie tant par sa maîtrise de l’échelle monumentale que par la sensualité colorée et l’apparente simplicité qui s'en dégage.
C'est une sensation unique que permet le gigantisme de la forme.
Sorti de l'enveloppe chaude et carminée du ventre de la créature, on déambule autour de l'oeuvre, une colossale aubergine tricéphale qui occupe tout l'espace.
La rondeur des formes de l'oeuvre lui donne un genre féminin, rassurant malgré l'énormité.
La complémentarité des couleurs de la structure de la verrière du Grand Palais et de celle du Léviathan amplifie le plaisir de sa contemplation.
L'alliage éphémère de ces deux éléments dont je me détache à regret, sachant que cette émotion ne pourra se renouveler à l'avenir que dans le souvenir, est aussi une oeuvre à part entière.