Sur le conseil de Mathilde, j'ai pris plaisir à parcourir ton blog plein de poésie. Et tout particulièrement à lire ce texte, puisque j'avais moi aussi soumis une nouvelle à ce concours. Je me permets de reproduire ma proposition ci-dessous.
Au plaisir de se recroiser,
Emmanuel C.
" ... En conclusion, il est manifeste que nos sociétés modernes se sont progressivement désintéressé du beau pour se nourrir de banalité, de tristesse, de souffrance et de néant. Comme un phénix dont le feux renait de ses scories, c'est dans cette fange que se trouvent les germes d'un souffle artistique nouveau. L'art de demain s'enracinera dans la douleur et dans la mort. "
Point final. Pâleur, sueurs froides, vision trouble.
Dois-je vraiment écrire cela ? Le puis-je seulement ?
Comment faire autrement ?
Je suis critique et historien de l'art. J'ai consacré mon existence à révéler les motifs qui relient les œuvres dans l'espoir de percer le secret de la mosaïque qu'ils dessinent. Je crois y être parvenu. Et je sais donc que ce que je viens d'écrire est vrai. Ce n'est pas une prophétie. C'est un texte scientifique documenté, qui élabore une théorie à partir d'arguments solides et irréfutables. C'est une vision, disons plutôt une modélisation, d'un courant artistique qui ne peut manquer d'advenir. Mais que nul ne peut souhaiter vraiment.
Je pourrais donc déchirer cette dernière page. Le traité de référence des trente prochaines années aurait une tout autre teneur. L'effet Rosenthal serait annulé. Ma conscience soulagée de ce poids qu'elle ne parvient déjà plus à porter. Mais combien sont les hommes dont les mots ou les actes ont significativement altéré l'histoire de l'humanité ? Quelques milliers tout au plus. Combien d'autres ont refusé, comme j'imagine le faire, leur destin ? Probablement aucun. Car ceux qui hésitaient auront perçu avec la même acuité que moi la sombre ironie de notre condition. Agir c'est modifier ce qui est, mais s'abstenir c'est prolonger ce qui ne devrait plus durer. Une trahison de l'espèce.
Je publierais donc ce texte. Des exégètes le reprendront, l'interprèteront, le radicaliseront. Ces exégètes cèderont la place à des artistes. Ces artistes à des meurtriers. Le monde en deviendra plus cruel et plus beau.
2 commentaires:
j'adore ta nouvelle maman :)
Sur le conseil de Mathilde, j'ai pris plaisir à parcourir ton blog plein de poésie. Et tout particulièrement à lire ce texte, puisque j'avais moi aussi soumis une nouvelle à ce concours. Je me permets de reproduire ma proposition ci-dessous.
Au plaisir de se recroiser,
Emmanuel C.
" ... En conclusion, il est manifeste que nos sociétés modernes se sont progressivement désintéressé du beau pour se nourrir de banalité, de tristesse, de souffrance et de néant. Comme un phénix dont le feux renait de ses scories, c'est dans cette fange que se trouvent les germes d'un souffle artistique nouveau. L'art de demain s'enracinera dans la douleur et dans la mort. "
Point final. Pâleur, sueurs froides, vision trouble.
Dois-je vraiment écrire cela ? Le puis-je seulement ?
Comment faire autrement ?
Je suis critique et historien de l'art. J'ai consacré mon existence à révéler les motifs qui relient les œuvres dans l'espoir de percer le secret de la mosaïque qu'ils dessinent. Je crois y être parvenu.
Et je sais donc que ce que je viens d'écrire est vrai.
Ce n'est pas une prophétie. C'est un texte scientifique documenté, qui élabore une théorie à partir d'arguments solides et irréfutables. C'est une vision, disons plutôt une modélisation, d'un courant artistique qui ne peut manquer d'advenir. Mais que nul ne peut souhaiter vraiment.
Je pourrais donc déchirer cette dernière page. Le traité de référence des trente prochaines années aurait une tout autre teneur. L'effet Rosenthal serait annulé. Ma conscience soulagée de ce poids qu'elle ne parvient déjà plus à porter.
Mais combien sont les hommes dont les mots ou les actes ont significativement altéré l'histoire de l'humanité ? Quelques milliers tout au plus. Combien d'autres ont refusé, comme j'imagine le faire, leur destin ? Probablement aucun. Car ceux qui hésitaient auront perçu avec la même acuité que moi la sombre ironie de notre condition. Agir c'est modifier ce qui est, mais s'abstenir c'est prolonger ce qui ne devrait plus durer. Une trahison de l'espèce.
Je publierais donc ce texte. Des exégètes le reprendront, l'interprèteront, le radicaliseront. Ces exégètes cèderont la place à des artistes. Ces artistes à des meurtriers. Le monde en deviendra plus cruel et plus beau.
J'espère monter le premier sur l'autel.
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