11 septembre 2009

Performance aux Farfouillettes


"Dans la vitrine des Galeries Lafayette, boulevard Haussmann,un petit train électrique traverse la tête d’une femme, circulant de son oeil gauche jusqu’à sa bouche bée. Plus loin, un oeuf suspendu dans une cuisine pleure des larmes de crocodile, et, dans un décor d’usine, des gerbes d’étoiles éclairent des fenêtres en meurtrière.

L’auteur de cette mise en scène, sombre et poétique, n’est autre que le cinéaste David Lynch,également artiste peintre et plasticien," écrit Véronique Lorelle dans Le Monde.


Oui, c'est mélancolique et onirique à souhait, fascinant car non mercantile aussi, mais je ne parviens pas à définir la petite amertume après la première bouchée...


"Ce qui m'a excité dans le projet Galeries Lafayette, c'est de créer un véritable street museum. J'ai imaginé onze installations dont le but est de tout simplement donner à rêver... Pour moi, ces vitrines sont comme des boîtes à bijoux. Elles présenteront des scènes avec des paysages et des personnages qui évoqueront la machine, l'abstraction et la femme, avec des sons, des figures animées et des lumières. J'espère qu'elles auront leur magie et qu'elles laisseront toute sa place au rêve", dit David Lynch.


Les gravures exposées au premier étage des Galeries sont encore plus noires. Ces rêves, ses rêves à lui sont plutôt des cauchemars. J'ai le plus grand respect pour cet artiste mais je n'ai pas envie de me laisser entraîner dans les noirceurs et les grincements de son univers douloureux.

Seulement voilà, j'y pense, j'en parle ici, alors c'est qu'il émane de ces créations une forme de magie qui m'a envoûtée malgré tout !




Proust en attendant que l'eau bouille


Manet, 1880, Huile sur toile de 16 x 20 cm conservée au Musée d'Orsay à Paris

Pour cuire les raviolis charnus ricotta-épinards qui attendent sagement dans leur sachet de papier, il faut beaucoup d'eau. J'attends qu'elle bouille en rêvassant. Près de la cuisinière, le plat à asperges en barbotine de ma grand-mère conduit le fil de mes pensées vers ces mots de Proust à la lecture desquels je frissonne de plaisir :

"[...]mon ravissement était devant les asperges, trempées d’outremer et de rose et dont l’épi, finement pignoché de mauve et d’azur, se dégrade insensiblement jusqu’au pied,-encore souillé pourtant du sol de leur plant,-par des irisations qui ne sont pas de la terre. Il me semblait que ces nuances célestes trahissaient les délicieuses créatures qui s’étaient amusées à se métamorphoser en légumes et qui, à travers le déguisement de leur chair comestible et ferme, laissaient apercevoir en ces couleurs naissantes d’aurore, en ces ébauches d’arc-en-ciel, en cette extinction de soirs bleus, (...)"

10 septembre 2009

la preuve Parr trois

Un petit tour sur la Planète Parr au Jeu de Paume, et le plaisir d'y retrouver, au détour d'une cimaise, les images délicates et la lumière douce de la photographe japonaise Rinko Kawauchi ;

et encore, et surtout de "refaire le match" de la fin des vacances avec deux amies autour d'une petite salade sous les frondaisons des Tuileries !


07 juin 2009

magnifique !


délicieuse sensation de se sentir magnifique malgré les paupières un peu froissées et les cheveux en bataille un dimanche matin ...

17 mai 2009

Jingdezhen, Picasso & Diane



Partie pour voir une exposition de céramiques de Jingdezhen, capitale de la porcelaine chinoise, au siège de l'UNESCO, j'étais persuadée d'aller admirer des merveilles, des céladons des Song (960-1279) et des bleus et blancs des Ming (1368-1644). Ici, il y a une ambiance d'aéroport. On échange sa carte d'identité contre un badge à porter autour du cou.
Malheureusement les céramiques chinoises présentées sont contemporaines et sans intérêt. Un peu déçue, je regarde autour de moi et réalise que je suis dans un stupéfiant bâtiment des années 60, au volumes insensés, rythmés de béton brut imposant sans être écrasant.

Sortie de mes rêves de montagnes gracieuses et de rivières bleues chinoises, je croise dans le hall d'entrée un "homme qui marche" de Giacometti, 1960, il est plus grand que moi et semble se mouvoir dans un espace de temps parallèle au notre. 
Je cherche un dépliant sur les architectes du lieu, le trouve. Marcel Breuer, Bernard Zehrfuss et Pier Luigi Nervi. Je me souviens que Breuer enseignait au Bauhaus comme Kandinsky.
Au-de-là de la salle d'exposition, dans un grand hall, je m'assied sous une très belle mosaïque romaine d'El Jem, une cité antique de Tunisie, du IIe siècle. Une Diane chasseresse y pose négligemment à l'ombre du tympan d'un petit édicule à quatre colonnes. Elle est entourée d'animaux sauvages, lions, taureau, cervidés, etc. Les tesselles ocre jaune, rouge, brun et bleu-verts ont une matité très douce malgré la vitre de protection.
En face de la mosaïque, une rangée de quatre cabines téléphoniques d'époque ressemblent à de vieux séchoirs de coiffeur qui auraient été renversés.
Dans le même hall, je contemple quarante panneaux de bois peints par Pablo Picasso qui s'assemblent sur un haut mur en trapèze et représentent des gens qui se baignent. Je lis aussi que l'oeuvre, commandé par l'UNESCO en 1957 a été incluse dans les plans de construction du bâtiment et nommée la chute d'Icare par l'historien d'art Georges Salles qui présidait le Comité des Conseillers artistiques. 
Je me dis que c'est un grand privilège d'être là, seule pour faire la connaissance de cette oeuvre monumentale. Le hall est en effet désert, pas un bruit non plus ! Plus loin encore, une autre série de "cabines téléphoniques-mandorles", orange vif cette fois se tiennent bien sagement sous une magnifique toile d'Antoni Tapies, "Totes les cases" de 1994.
Je reviens sur mes pas, des messieurs en costume de toutes nationalités traversent à présent le hall de temps à autre. Je retourne m'asseoir sous la mosaïque, un homme sombre et smart, parapluie sur l'avant bras décroche un téléphone d'une des cabines et parle en français avec un accent slave puis en anglais, puis dans une langue que je ne connais pas.
En partant, je remarque encore un "bijou" dans une montée d'escalier : une tapisserie de 1956, d'après un carton de Le Corbusier.

J'étais venue voir des merveilles et je n'ai pas été déçue !

14 mai 2009

Regards sur le passé

Vassily & Nina Kandinsky dans le jardin du Bauhaus, Dessau vers 1931


Une centaine de tableaux de grand format de Kandinsky entrent dans mes yeux comme la pluie dans le cou, une sensation de saisissement, un frisson qui émerveille, effraie un peu aussi.
"Les grands tableaux qui se forment peu à peu dans mon coeur", c'est par ces mots que Kandinsky révèle son amour de la peinture, dans une lettre de 1915 à sa compagne Gabriele Münter.

L'accrochage chronologique est très pédagogique et permet d'appréhender les articulations de la vie et de l'oeuvre de cet artiste, son évolution vers l'abstraction, de ses débuts en Russie où il naît en 1866, à la période du Bauhaus, en Allemagne dans les années 20 et jusqu'à l'époque parisienne des années 30 et 40.
Je suis d'ailleurs étonnée par cette dernière période que je découvre ici, et qui développe un vocabulaire formel renouvelé. La gamme chromatique est pleine de fraîcheur, des petits êtres biomorphiques s'animent comme sous la loupe d'un microscope.

 
Blue World, 1934, huile sur toile 110,6 x 120,2 cm
Solomon R, Guggenheim Museum New York

Kandinsky exprime admirablement ce cheminement vers l'abstraction dans ce récit :

"« […] Je vivais déjà à Munich, je fus ravi un jour par une vue tout à fait inattendue dans mon atelier. C’était l’heure du jour déclinant. Après avoir travaillé sur une étude, je venais de rentrer chez moi avec ma boîte de peinture […] lorsque j’aperçus un tableau d’une indescriptible beauté baignée de couleurs intérieures. Je commençais par me renfrogner, puis me dirigeai droit sur cette œuvre énigmatique dans laquelle je ne voyais rien d’autres que les formes et des couleurs dont le sens me restait incompréhensible. Je trouvais instantanément la clef de l’énigme : c’était un de mes tableaux posé de côté contre le mur. Le jour suivant, je voulus reproduire l’impression à la lumière du jour. Mais je n’y parvins qu’à demi : même de côté, je reconnaissais sans cesse les objets, et il y manquait le subtil glacis du crépuscule. Je savais à présent très exactement que l’objet était nuisible à mes tableaux. » (Regards sur le passé et autres textes : 1912 – 1922.)

C'est une exposition si dense, je vais y retourner...


13 janvier 2009

Rouge corail


Andrea Mantegna (1431-1506)
La Vierge et l'Enfant avec Francesco Gonzaga, saint Michel archange, saint André, Longin, saint Georges, saint Jean-Baptiste et sainte Élizabeth, dite La Vierge de la Victoire. 1495-1496/ Huile sur toile, H. 285 cm, l. 168 cm

Ce soir, j'étudie la mythologie grecque dans le "Que Sais-je ?" de Pierre Grimal (une petite synthèse très bien faite), et je me laisse distraire par mon marque-page, une carte postale de la merveilleuse Vierge de la victoire d'Andrea Mantegna, vue à l'exposition consacrée à ce peintre italien du XVe siècle, au Louvre à l'automne. Heureusement, l'oeuvre est conservée au Musée du Louvre et je pourrai la revoir à satiété.
En "entrant" dans ce tableau, je retrouve mon sujet d'étude.

En effet, Ovide raconte que Persée, après avoir tué Méduse et libéré Andromède, dépose la tête de la gorgone sur une couche d'algues tirées de la mer : les algues fraîchement coupées absorbent de leur moelle spongieuse le sang du monstre et durcissent, et les nymphes de la mer, constatant ce prodige, le répètent sur plusieurs autres algues, qu'elles jettent dans la mer comme des semences et qui se multiplient : de là vient la caractéristique du corail d'être flexible sous l'eau et de durcir au contact de l'air.
Dans la Rome antique et encore au Moyen-Âge, on attribue au corail diverses qualités curatives ; on considère en outre qu'il a le pouvoir d'éloigner le mauvais oeil, et Pline l'Ancien rapporte qu'il est habituel de mettre au cou des enfants une amulette faite d'une petite branche de corail. On trouve trace de cette propriété conjuratoire dans l'iconographie religieuse, comme dans cette Madone de Piero della Francesca baignée d'une lumière si douce.

La Madone de Senigallia, vers 1470 / conservée à Urbino, 
Galleria Nazionale delle Marche

À lire aussi absolument, ici, l'article sur L'exposition Mantegna.

09 janvier 2009

Rêveries indiennes

Mausolé près de New Delhi pendant la mousson.

Aujourd'hui, je rêve de l'Inde, de ses couleurs, de sa chaleur,

Photo Channi Anand / AP

mais je lis dans la presse  que là-bas aussi le froid s'est installé depuis une semaine dans le Nord et l'Est, et jusqu'à la capitale New Delhi. Un terrible brouillard né de la conjonction du froid et de la pollution engloutit les villes créant un théâtre d'ombres fantomatiques. 


07 janvier 2009

Lianzhou, grâce à Nathalie V...





la tenue idéale pour affronter les températures polaires de Paris ce matin...

Le Festival internationnal de la photographie de Lianzhou (prononcer "liandjeau"!) dans la province du Guangdong, au Sud Est de la Chine, permet de découvrir la créativité des photogaphes de ce pays,  encore assez peu reconnus au sein de l'art contemporain.
À quatre heures de bus de Canton, Lianzhou est une grise cité-champignon entourée de montagnes en pain de sucre. Ce festival accueille chaque année près de 80 expositions dans d'anciennes usines de chaussures et de bonbons ou des silos désaffectés.
Une certaine mélancolie se dégage des oeuvres qui tentent de témoigner de la Chine d'aujourd'hui. 
Durant la dynastie des Tang (618-907), cette région reculée du sud de la Chine a accueilli un grand nombre d'écrivains et mandarins exilés, tels Han Yu, Liu Zongyuan et Liu Yuxi. Dans l'instabilité de l'empire, le tumulte social et la menace extérieure qui caractérisent la dernière moitié des Tang, Han Yu et d'autres lettrés proposèrent un retour au langage dépouillé et direct de la prose pré-Han (206 avant-220 après notre ère).
Se basant sur la tradition ancienne, le "mouvement de la prose antique" préconisa l'usage créatif de la langue des anciens pour décrire et analyser de manière incisive les problèmes de l'empire. En ce sens, ce festival est une déclaration de l'importance de l'indépendance de point de vue et de l'habileté extraordinaire de la photographie de témoigner et nous confronter à la réalité, aux événements et à nos émotions.


21 octobre 2008

Dragon Chinois


Portrait de l'Empereur Qianlong (1736-1796),
Dynastie des Qing (1644-1911)



Le dragon a été le symbole de l'Empereur de Chine pendant deux millénaires. Aujourd'hui encore, il est considéré comme un symbole national. Dans l'Antiquité, il faisait partie des quatre animaux magiques ou si ling, signes par lesquels le Ciel se manifestait aux hommes. Parmi les orients, il représente l'est. Il est aussi un des douze animaux cycliques du calendrier chinois. On retrouve des dragons dans la plupart des mythologies anciennes mais, alors que l'Occident chrétien a fait du dragon un animal maléfique, il est, en Chine, symbole d'énergie et signe de bon augure.

12 septembre 2008

Chic.....


... le site d'Élise Oudin-Gilles est en ligne.
J'aime ses couleurs pétillantes et fraîches, et en particulier ici l'ombre d'une cité imaginaire en bleus de chine et de prusse sous un astre vermillon.

09 septembre 2008

Triptyque lunaire

"Dehors les choses semblaient, elles aussi, figées en une muette attention à ne pas troubler le clair de lune, qui doublant et reculant chaque chose par l'extension de son reflet, plus dense et concret qu'elle-même, avait à la fois aminci et agrandi le paysage comme un plan replié jusque là, qu'on développe."
À la recherche du temps perdu - Du côté de chez Swann - Marcel Proust (1871-1922)




Vue des huit sites célèbres de Kanazawa le soir. Lune
Estampe nishike-e
Hiroshige Utagawa (1797-1858)




"La lune pâlie de l'aurore.
La lune me charme encore quand son mince croissant apparaît sur la cime des montagnes, à l'orient"

Notes de Chevet n°118 - Sei Shônagon
(Dame d'honneur de la princesse Sadako, Japon, XIe siècle)

17 juillet 2008

Les années 60



Une délicieuse plongée dans l'esthétique cinématographique des années 60,
avec la musique de Michel Legrand, que j'adore ....
Les coiffures et les tenues de Faye Dunaway sont époustouflantes de chic et d'élégance et Steve Mc Queen est irrésistible !
Loin d'être démodé, c'est un film captivant et charmant.

15 juillet 2008

3 films israéliens

Ces derniers jours, je traverse une période israélienne...


Je l'ai vu au cinéma Max Linder Panorama, que je trouve formidable!

Dans les années 80...

C'est un film autobiographique. Ari Folman, metteur en scène israélien, a rendez-vous en pleine nuit dans un bar avec un ami en proie à des cauchemars récurrents, au cours desquels il se retrouve systématiquement pourchassé par une meute de 26 chiens. 26, exactement le nombre de chiens qu'il a dû tuer au cours de la guerre du Liban, au début des années 80.

Le lendemain, Ari, pour la première fois, retrouve un souvenir de cette période de sa vie. Une image muette, lancinante : lui-même, jeune soldat, se baigne devant Beyrouth avec deux camarades.
Il éprouve alors un besoin vital de découvrir la vérité à propos de cette fraction d'Histoire et de lui-même et décide, pour y parvenir, d'aller interviewer à travers le monde quelques-uns de ses anciens compagnons d'armes.

Plus Ari s'enfoncera à l'intérieur de sa mémoire, plus les images oubliées referont surface.


Là, l'absurdité de la guerre semble dictée de plus haut que les hommes. L'animation rend les personnages plus que réels.
Elle permet, comme dans un livre, d'imaginer ce qui n'est pas montré, pas dit. C'est aussi un film sur la peur, une démarche d'une grande intelligence en tout cas. Je regrette un peu la scène d'images d'archives de la fin qui me parait inutilement terrifiante.





10 ans plus tard...

Israël, 1991. Toute une famille pleure la disparition de l'un des siens. Fidèles à la tradition, les proches sont censés se réunir dans la maison du défunt et s'y recueillir pendant sept jours.
Alors que chacun semble se plier à la coutume, la cohabitation devient de plus en plus pesante. Contraints de se supporter jour et nuit, frères et sœurs ne tardent pas à laisser l'amertume et les disputes prendre le pas sur le recueillement. L'atmosphère devient bientôt irrespirable et les vérités enfouies depuis longtemps remontent enfin à la surface …


J'ai beaucoup ri et trouvé tous ces personnages très attachants. Même si nos traditions sont différentes je peux m'identifier très aisément à des moments vécus dans "mes familles". Ce film donne envie de pardonner par avance les mesquineries cachées pour couper court à leurs révélations, mais il ne peut pas toujours en être ainsi.
Dans ce film aussi la guerre est présente à chaque instant et je me dis que d'ici on ne peux vraiment pas se rendre compte de ce que cela peur être !
Je suis, par ailleurs, assez fascinée par la force des traditions juives qui sont un ciment entre ces gens malgré tout et leur apporte le délicieux -quoi qu'on en dise- sentiment d'appartenance
à un groupe aux lois clairement définies.





Au vieux cinéma le Brady, l'Albatros, boulevard de Strasbourg...

Un jour,...


Une fanfare de la police égyptienne, invitée en Israël pour l'inauguration d'un centre culturel arabe, se perd et se retrouve isolée dans un village au bout du monde. Nécessité fait loi : il faut bien se parler, voire sympathiser.
Quelques brèves rencontres pleines de chaleur et d'humanité.


Celui ci est une fable légère et pleine d'humour, un film délicat et drôle : deux cultures confrontées, confortées ;
des hommes un peu à la dérive mais qui continuent courageusement leur chemin malgré tout.

10 juillet 2008

Looking for owners


La lecture de l'article de Thierry Savatier -son blog, "les mauvaises fréquentations" toujours si passionnant et agréable à lire- me donne envie d'aller voir cette exposition.

Pour pénétrer dans la belle cour carrée de l'Hôtel de Saint-Aignan qui abrite le Musée d'art et d'histoire du Judaïsme il faut au préalable passer un contrôle -très strict !- de ses effets et de sa personne.

Cette exposition a pour objectif de témoigner de la spoliation des oeuvres d'art subie par les juifs de France et de mettre en évidence le processus des spoliations nazies durant la seconde guerre mondiale, leur condamnation par les alliés en 1943, les opérations de restitutions massives engagées à l'issue du conflit et les nouvelles mesures individuelles de restitution rendues possibles dans les dix dernières années.

Mais je choisis d'y déambuler en une flânerie légère, appréciant sans autre arrière pensée la vue de ces oeuvres qui ont aussi pour point commun la virtuosité et la beauté.

Au-dessus des cartels de certains tableaux est ajoutée une petite photographie des caisses qui les ont contenues lorsqu'ils ont été répertoriés par les "MNR", les Musées nationaux de récupérations, dans les années 50. Je trouve cette présentation originale et intéressante et ces petites images sont elles-mêmes des compositions contemporaines très esthétiques avec leurs vieilles étiquettes et les numéros écrits à la craie.
Parfois c'est le revers du tableau qui est ainsi montré comme pour ce charmant paysage de format ovale de Jean Honoré Fragonard, "Bergers dans un paysage".


Et quelle lumière délicate dans les plis de l'ample chemise blanche de ce portrait d'un certain Desmarets par Jean-Auguste-Dominique Ingres !


Il y a beaucoup de natures mortes du XVIIe siècle où se promènent par endroits des coccinelles ou des papillons.





Si l'on approche de très près du jardin du "Vieux Palais à Bruxelles" de Jan Van Heyden (1637-1712), on peut apercevoir un groupes de biches et de jeunes cerfs -des chèvres peut être mais cela serait moins joli- se reposant à l'ombre des frondaisons dans un triangle d'herbe drue.



En face, une très belle "Déploration du Christ" de Petrus Christus, peintre qui vécut au XVe siècle à Bruges.
Le contraste entre le paysage presque paisible en arrière plan et la présence du crâne sur le mont Golgotha -qui m'a toujours fascinée- et surtout la tension dramatique du corps pâle et sans vie du Christ sur les genoux de sa mère est ici particulièrement saisissant.
En contemplant ce tableau, je me souviens d'une merveilleuse coupe attique à figures rouges du Ve siècle avant Jésus Christ, étudiée au Louvre.



Le thème de la scène représentée dans cette coupe est tiré de l'Ethiopide, un poème qui racontait le sort des alliés malheureux de Troie : L'Aurore (Éos) vient au matin rechercher le corps de son fils Memnon, roie des Éthiopiens tué par Achille.
En effet, il y a dans la douloureuse image du cadavre raidi percé de blessures, aux yeux clos et aux mains pendant dans le vide vers lequel se penche la déesse ailée au beau visage, comme une préfiguration du motif de la Pietà : brusquement ce qui n'était que théorie dans mon esprit m'apparait comme une évidence troublante.





Plus loin, les plantureuses baigneuses de Gustave Courbet attirent irrésistiblement.
La carnation des lèvres de celle du second plan a même tonalité que les trois rangs de perles de corail pendus à son cou. Celle de la belle alanguie, habillée d'un seul bouquet champêtre, a la même matière que les adorables pointes de ses seins, et sa peau diaphane et délicate fait écho à l'orient des perles négligemment retenues par sa main gauche.






Dans une autre salle, il me semble que Cézanne a l'air un peu fâché sur son petit auto-portrait.




Dans les vitrines où se donnent à voir des documents divers, je lis que sur 60 000 oeuvres répertoriées, 45 000 ont été restituées.





Un grand "Trophée de chasse" de Claude Monet me rappelle ma grand-mère chérie.

J'accélère un peu le pas, trop d'images, mon attention se dilue.
Je me demande pourquoi, dans cet "Intérieur de Palais" de Van Delen Dirck (1605-1671) les deux personnages masculins au premier plan ont le visage rouge :
qu'ont-ils commis de terrible ?!

Dans la dernière salle, sur une merveilleuse corbeille de fleurs de Balthazar Van Der Ast (1593-1657) qui ressemble beaucoup à celle-ci,


se superpose d'une façon irrésistible, le visage de maman.

De retour à la maison, un peu "déboussolée" par cet exercice de va et vient dans la chronologie, je lis dans les "Contes des sages du Ghetto" une petite histoire très savoureuse...

À quoi servent les boussoles
À Khelm, un jour, l'un des disciples d'Aza'a Schlemil trouva ne boussole dans la rue. Il apporta l'objet mystérieux à son Maître, qui l'examina soigneusement avant de soudain fondre en larmes. Quelques instants plus tard, il se mettait à rire aux éclats. On aurait pu douter de sa santé mentale ! Finalement, Aza'a Schlemil se calma, et il expliqua ainsi son état à son disciple :
- J'ai d'abord pleuré, dit-il, parce que j'étais vraiment triste de ton ignorance.
Que tu ne saches pas à quoi sert cet instrument. Puis j'ai éclaté de rire quand je me suis aperçu que, moi non plus, je ne le savais pas.

28 juin 2008

Katsushika Hokusai

Hokusaï, Trente-six vues du Mont Fuji,
Vent frais par matin clair, 1830,
impression polychrome (nishiki-e), format ôban, Éditeur : Eijudô


Même si les célèbres vues du Mont Fuji sont d'une grande beauté, rehaussée par l'utilisation du bleu de prusse -pigment importé de Hollande dans les années 1820-, je suis charmée par ce volubilis fraîchement cueilli et déposé dans ce merveilleux petit bol.
Ici, le raffinement des objets, la délicatesse éphémère des fleurs et la calligraphie du haiku -petit poème- se conjugent pour délivrer une douce jouissance esthétique.

"Depuis l'âge de six ans, j'avais la manie de dessiner les formes des objets.
Vers l'âge de cinquante, j'ai publié une infinité de dessins ; mais je suis mécontent de tout ce que j'ai produit avant l'âge de soixante-dix ans.
C'est à l'âge de soixante-treize ans que j'ai compris à peu près la forme et la nature vraie des oiseaux, des poissons, des plantes, etc. Par conséquent, à l'âge de quatre-vingts ans, j'aurai fait beaucoup de progrès, j'arriverai au fond des choses ; à cent, je serai décidément parvenu à un état supérieur indéfinissable, et à l'âge de cent dix, soit un point, soit une ligne, tout sera vivant. Je demande à ceux qui vivront autant que moi de voir si je tiens parole. Écrit à l'âge de soixante-quinze ans, par moi, autrefois Hokusaï, aujourd'hui Gakyo Rojin, le vieillard fou de dessin"








18 juin 2008

Salade d'oranges

Plat à décor d'oranges, Maniès, milieu du XVe siècle, Bleu de cobalt et lustre métallique monochrome sur glaçure blanche, 
H. 6,5 cm - diam. 47,5 cm

Lors d'une visite-éclair à la Dame à la licorne, au Musée du Moyen-Âge, je suis saisie par la beauté de ce plat à décor d'oranges du XVe siècle. Il fait partie d'une belle exposition temporaire : Reflets d'or. D'Orient en Occident, la céramique lustrée, IXe-XVe siècle.

Ce large plat présente, sur l'avers, un décor virtuose, production des ateliers du Levant espagnol. Sur cinq registres, on retrouve le même motif respectivement une, cinq, dix, quinze et vingt fois. Il est constitué d'un point bleu central autour duquel se développent quatorze  lancettes de lustre sur fond blanc, l'ensemble étant entouré d'un disque bleu. Les motifs sont reliés deux à deux par des cercles emboîtés, bleus sur fond de pigments métalliques, soulignés d'une double croix bleue. Les écoinçons sont occupés par des feuilles trilobées de pigments métalliques, rappelant la feuille du persil.  Au revers, le décor est beaucoup plus simple et consiste en une large spirale.
En découvrant ce bel objet, j'ai tout de suite pensé au travail de Beatriz Garrigo !
En sortant du Musée, je savoure des yeux les massifs de roses trémières géantes qui s'élancent entres les vieux pavés de la cour de l'Hôtel de Cluny.





17 juin 2008

TAO

"(...) 
 Quand mes yeux, vers ce chat que j'aime,
Tirés comme par un aimant,
Se retournent docilement,
Et que je regarde en moi-même,

Je vois avec étonnement,
Le feu de ses prunelles pâles,
Clairs fanaux, vivantes opales,
Qui me contemplent fixement."

Charles Baudelaire, Les fleurs du mal.



16 juin 2008

Sakountala



Des corps sculptés de sa main émane une sensibilité puissante 
et les bras recourbés dessinent des mouvements d'une grâce infinie.
Les oeuvres que donne à voir cette exposition sont très émouvantes.
J'ai un faible pour Sakountala qui s'abandonne dans les bras de son époux agenouillé.
L'oeuvre s'inspire d'une légende hindoue qui raconte les amours contrariées d'un prince et d'une simple jeune-fille. Lors de sa réalisation en marbre, elle changera de titre pour devenir Vertumne et Pomone en référence à Ovide. Vertumne, dieu étrusque puis romain des jardins et des vergers se fait aimer de la nymphe Pomone.

"Mon cher Geffroy,
Il est inutile de vous dire que depuis l'autre jour je suis encore en train de tousser et d'éternuer tout en polissant avec rage le groupe destructeur de ma tranquillité : c'est avec des yeux larmoyants et des rauquements convulsifs que je termine les cheveux de Vertumne et Pomone. Espérons malgré les différents accidents, qu'ils seront terminés d'une façon logique et comme il faut qui convient à des amoureux parfaits. Dieu merci, j'en ai assez de souffler sur la sculpture en attendant les billets de mille françs qui se font de plus en plus réfractaires."

Extrait de lettre de Camille Claudel à Gustave Geffroy, Paris 4 avril 1905 ; un journaliste, critique d'art et romancier. 
Il fut un des rares à reconnaître le talent de Camille et lui consacra des articles élogieux.